DANS UNE EUROPE qui tend à fermer ses frontières aux flux migratoires, l'Italie de Romano Prodi va à contre-courant. Une semaine après avoir décidé de régulariser 350 000 clandestins, le conseil des ministres devrait adopter, ce matin, une réforme fondamentale du Code de la nationalité. Le projet, présenté par le ministre de l'Intérieur, Giuliano Amato, se propose notamment de remplacer le droit du sang par le droit du sol. Il abrégera aussi de moitié la durée du séjour, imposée pour obtenir la citoyenneté italienne : cinq ans au lieu de dix. Il prévoit enfin toute une série d'aménagements destinés à faciliter l'intégration des immigrés et de leurs familles.

C'est ainsi que le fils mineur d'un immigré établi de manière stable en Italie aura droit à la nationalité italienne au bout de cinq ans à condition d'aller à l'école, de suivre un cycle de formation ou de travailler pendant un an. S'il est devenu majeur, entre-temps, il lui appartiendra d'en faire lui-même la demande. Celle-ci ne lui sera pas accordée de manière automatique : il lui faudra la solliciter pour l'obtenir. «Cette réforme procède d'une réflexion approfondie sur le manque d'intégration dans les banlieues parisiennes», explique Franco Pittau, responsable du dossier «immigration» à la Caritas Italiana.

De tout temps en Italie, le droit du sang (jus sanguinis) a prévalu sur le droit du sol (jus soli). Cela s'explique par la nécessité de protéger les quelque trois millions d'Italiens de l'émigration, cette diaspora qui a essaimé dans le monde entier. C'est pour défendre ces Italiens que la réforme de 1992 avait imposé dix ans d'attente, au lieu de cinq, pour obtenir la nationalité italienne.


ÉLIMINER LES ASPECTS RÉPRESSIFS

À l'époque, la péninsule comptait 55 millions d'habitants, mais très peu d'immigrés. L'afflux «d'extracommunautaires» est un phénomène des quinze dernières années. Il s'est développé avec une dynamique que les opérateurs les plus attentifs n'avaient pas prévue : «En moins d'une génération, nous nous sommes rapprochés des quotas d'immigrés présents en France ou en Allemagne sans même nous en apercevoir», relève Franco Pittau. L'Italie compte aujourd'hui 2,5 millions d'immigrés en situation régulière (soit 5,2% de la population) dont un million en provenance de la «nouvelle Europe» et un demi-million de clandestins.

La loi Bossi-Fini d'août 2002 a voulu réguler cet afflux en liant la présence sur le sol italien au permis de travail. S'il perd son emploi, l'immigré a six mois pour en trouver un autre, faute de quoi il est contraint de s'expatrier. La gauche a l'intention de détricoter cette loi en éliminant tous ses aspects répressifs au profit d'une politique d'encouragement à l'intégration : «Nous devons permettre aux immigrés d'entrer régulièrement dans le pays», affirme le ministre communiste de la Solidarité sociale, Paolo Ferrero qui croit pouvoir endiguer ainsi les débarquements de clandestins sur les côtes.

C'est à l'automne que de nouvelles normes sur l'immigration seront adoptées. Pour l'instant, la réforme du Code de la nationalité se propose de réparer ce que Franco Pittau appelle une «injustice» : «Il n'est pas naturel de naître en Italie et de rester un étranger au regard de la loi jusqu'à l'âge de 17 ans».

Tel n'est bien sûr pas l'avis de la droite qui se prépare à livrer bataille au Parlement. Déjà avec l'extension du droit de regroupement familial aux grands-parents de l'immigré – mesure adoptée la semaine dernière – elle s'attend à ce que cent mille vieillards viennent «encombrer» les services de santé. Pour le leader de la Ligue du Nord Umberto Bossi et celui de l'Alliance nationale Gianfranco Fini, la défense de l'italianité prime sur l'ouverture des frontières.