Da Le Monde del 29/06/2006
Originale su http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-789164@51-760406,0.html

"Batman" contre "Diabolik", en Sicile

di Marie-Claude Decamps

TRAPANI (SICILE) - Rien ne transparaît. Et pourtant, à Trapani, derrière l'apparente douceur du paysage de la côte occidentale sicilienne, entre églises baroques, moulins à vent, salines et vignes dorées par un soleil généreux, se déroule depuis des années un féroce combat singulier. Celui qui oppose "Batman" à "Diabolik".

Rien à voir avec un dessin animé. "Batman", c'est le surnom que les habitants de Trapani ont donné au chef de la brigade mobile, Giuseppe Linarès, qui patrouille avec crainte, de nuit, dans sa voiture blindée, entouré de ses hommes.

Jeune, beau, déterminé, à 37 ans ce policier d'élite atypique qui cite Platon et Socrate dans le texte et manie micros et caméras-espions comme personne (il a réussi à en placer dans la voiture de plusieurs boss mafieux) a déjà un palmarès impressionnant : une centaine d'"hommes d'honneur" de Cosa Nostra arrêtés et plusieurs "parrains", dont celui qui fut le chef de la province, Vincenzo Virga, considéré en son temps comme le "génie de la finance".

En 1983, l'assassinat du procureur de Trapani, Gian Giacomi Ciaccio Montalto, sera un choc pour ce lycéen épris de droit et de littérature, déterminant sa vocation. Elle ne s'est jamais démentie : ses amis racontent que même la famille de Giuseppe Linarès a pris ombrage de son zèle, qui lui fit arrêter, à l'occasion, un édile, ami de la famille, le père de l'une de ses camarades de classe, voire des partenaires au club de bridge.

En face, il y a "Diabolik", un fou de bandes dessinées qui fit même adapter des mitraillettes à l'avant de sa voiture comme dans la BD, de son vrai nom Matteo Messina Denaro : jeune, beau, déterminé lui aussi, il se cache depuis juin 1993.

A 44 ans, ce "petit prince" de la Mafia, fils de "don Ciccio", parrain historique de Castelvetrano, dans les collines voisines, a non seulement remplacé le vieux boss de Trapani, "pacifiant" la province, mais il figure, depuis la capture du "parrain des parrains", Bernardo Provenzano, en avril, dans la liste des prétendants à la succession.

Eduqué (il a un diplôme d'études techniques), rompu à son tour aux subtilités de l'électronique, il a fait prospérer son empire fondé sur le trafic de la drogue (il a des liens spéciaux avec des clans au Venezuela et en Amérique latine) et des armes.

Sa réussite, c'est d'avoir su réinterpréter les vieux accords entre mafieux, entrepreneurs et hommes politiques pour mettre la main sur les appels d'offres des grands chantiers.

Comme le constate avec une ironie désabusée Andrea Tarondo, substitut du procureur à Trapani : "Ici, la Mafia a infiltré certaines administration et contrôle les dépenses publiques, à tous les échelons !" Et un ancien juge lui fait écho : "A Trapani, c'est simple : la Mafia t'achète, te discrédite ou te fait transférer..."

Dans ce duel sans merci, "Diabolik" dit aussi "u Siccu" (le Maigre) a remporté la première manche. Il a su valoriser son territoire : la province est devenue une sorte de sanctuaire.

C'est ici, disent les enquêtes de police, qu'il y a le plus d'actes d'intimidation (un par jour) ; ici que la "bourgeoisie mafieuse" qui sert de membrane de perméabilité avec la société s'est le mieux développée.

Des filles de médecin ont épousé des boss, la famille Denaro a elle-même été employée sur les terres des grands latifundistes d'Agli, aristocrates, dont un membre est sénateur de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi.

Cette "pax mafieuse" sied aux boss en cavale qui viennent ici en villégiature, dont Toto Riina, qui lança Cosa Nostra dans sa stratégie d'attentats (notamment contre les juges anti-Mafia Falcone et Borselino tués en 1992) avant d'être arrêté en 1993.

Son successeur, Bernardo Provenzano, qui convertit la Mafia en multinationale affairiste et discrète, entretenait les meilleurs rapports avec "Diabolik".

Dans une lettre, ce dernier lui dit, s'exprimant avec un respect filial : "Je ne suis pas meilleur que vous. Avec le bon vouloir de Dieu je suis à votre complète disposition."

Cruel, "Diabolik", qui a tué sa première victime à 18 ans, s'est vanté auprès d'un "repenti" d'"avoir tué de quoi remplir tout un cimetière !".

On lui attribue une bonne centaine de victimes. En 1993, c'est lui qui avait été chargé des attentats de Florence qui firent cinq morts. Promu gardien du petit Giuseppe di Matteo, un gamin enlevé en 1993 pour faire pression sur son père, mafieux repenti, il le fera garder dans des conditions atroces : lié, bâillonné et suspendu à un crochet de boucherie des journées entières. Plus tard, le corps de l'enfant sera dissous dans l'acide.

"C'est cela, résume le procureur anti-Mafia, Massimo Russo, la grande force de Messina Denaro, il a été un tueur féroce sous Riina, un homme d'affaires avisé sous Provenzano, il est à lui seul la parfaite synthèse de Cosa Nostra : il allie la brutalité et la sagesse de la vieille Mafia avec le dynamisme d'une organisation moderne."

A cela s'ajoute une intelligence stratégique qui lui a fait se lier avec les puissants clans palermitains et les "familles" émergentes d'Agrigente.

Son charisme a fait le reste. "Pour certains "hommes d'honneur", raconte, retranché dans son petit bureau-bunker, Rino Giacalone, journaliste à La Sicile, qui se bat chaque jour dans un silence hostile pour donner quelques nouvelles, "Diabolik" est une légende. Ils se racontent comment il s'est échappé caché dans une ambulance, comment il boit une coupe de champagne à chaque exécution. Sur un mafieux arrêté, on a même trouvé sa photo, sertie comme une relique. "Notre devoir c'est de l'adorer, celui là !", a juste commenté le mafieux."

"Diabolik" a beau utiliser un langage classique (ses billets s'achèvent sur un : "La madone de Lourdes te protège" ou "Padre Pio te bénisse"), il est à cent lieues d'un Provenzano, arrêté au milieu des chèvres et des mouches. C'est un viveur qui aime le luxe, les voitures et les femmes. Passant outre la fidélité prônée par les parrains, il multiplie les aventures et a une fille naturelle, Lorenza.

Dans une lettre d'amour que Maria Mesi, une de ses amantes, lui adresse, on peut lire : "Je t'en prie ne dis pas non. Je désire tant te faire un cadeau. J'ai lu sur un magazine de jeux vidéo qu'est sortie la cassette de Donkey Kong 3, il me tarde qu'elle soit dans le commerce pour te l'offrir..."

L'insaisissable "Diabolik" et "Batman" le justicier se sont croisés très jeunes à Trapani, aux mêmes terrasses de café. Le policier se souvient, a-t-il confié, "avoir remarqué ce jeune homme sûr de lui avec sa Rolex au poignet". Qui l'emportera ?

La chance semble tourner en faveur de l'idéaliste Giuseppe Linarès, que les enfants de Trapani comparent déjà au juge Falcone, enfermé dans une "vie blindée" sans liberté, sous escorte permanente. Lui qui tel un chien de chasse traque le jeune parrain à la trace, convaincu que "pour arrêter un mafieux en cavale il faut étudier jusqu'à l'humus qu'il a foulé".

Après tout n'a-t-il pas déjà découvert comment il s'est fait soigner pour un strabisme à la barbe de la police, à Barcelone (Espagne), ou encore comment, s'étant vu confier le trésor de Riina, il a fait fabriquer un coffre-fort qui en s'ouvrant dévoilait un escalier dérobé menant au butin ? Et puis la Mafia, plusieurs fois décapitée, n'est-elle pas un peu déboussolée ?

Dans un autre billet adressé à Bernardo Provenzano avant sa capture, "Diabolik" se plaint des arrestations opérées par la police et ajoute que même ces hommes politiques qu'il se vante d'avoir "domestiqués" ne sont plus fiables : "On sait comment sont les politiciens (...), il n'y en a pas un qui se salira la bouche pour nous, nous n'avons plus le pouvoir contractuel d'avant..." Et il ajoutait, pressant : "Dites-moi un nom et j'irai le contacter..."

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