Les violentes émeutes qui ont éclaté à Khartoum, lundi 1er août, après l'annonce de la mort du chef de la rébellion sudiste, John Garang, dans un accident d'hélicoptère, ont obligé les autorités soudanaises à décréter un couvre-feu de douze heures. Il entrera en vigueur à 17 heures (heure de Paris). Selon un diplomate présent sur place, il y aurait eu plusieurs morts et de nombreux blessés. Des témoins cités par l'AFP ont également fait état de tirs de kalachnikov, de feux de voitures et de barrages établis en plusieurs points de la ville.

Ces violences interviennent alors que le président du soudanais, Omar Al-Bechir, ainsi que les ex-rebelles sudistes du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) se sont engagés à poursuivre le processus de paix malgré la confirmation de la mort de l'ancien chef rebelle. Ce dernier était devenu premier vice-président du pays, le 9 juillet, aux termes d'un accord de paix signé en janvier avec le gouvernement de Khartoum. Ce jour-là, John Garang était rentré dans la capitale pour la première fois depuis le début d'une guerre de vingt-deux ans qui a tué 1,5 million de personnes et en a déplacé 4 millions.


DOUTES SUR LES CIRCONSTANCES DE L'ACCIDENT

La mort de John Garang, annoncée officiellement lundi matin par le président soudanais, est survenue, selon ce dernier, dans un accident d'hélicoptère, en provenance d'Ouganda. L'appareil "s'est écrasé après avoir percuté la chaîne de montagne des Amatonj, dans le sud du Soudan, en raison de problèmes de visibilité, a affirmé un communiqué de la présidence. Il en a résulté la mort de John Garang et de six personnes qui l'accompagnaient ainsi que des sept membres de l'équipage de l'appareil présidentiel ougandais". La veille, il avait pourtant été annoncé à la télévision de Khartoum que l'atterrisage de l'hélicoptère s'était déroulé "sans encombre" .

La disparition de John Garang, 60 ans, chef du Sud-Soudan animiste et chrétien, en rébellion contre le Nord musulman et pièce maîtresse du subtil accord de partage du pouvoir et des richesses conclu en janvier, jette une ombre sur la paix fragile concrétisée par sa nomination comme vice-président d'un pouvoir central qu'il avait combattu durant plus de deux décennies.


DES ACCORDS DE PAIX FRAGILISÉS

L'accord en vigueur depuis le 9 juillet repose sur une Loi fondamentale qui reconnaît le pluralisme politique et la tolérance religieuse. Le Sud chrétien, peut désormais échapper à la charia en vigueur au Nord. Le pouvoir politique, lui, est exercé par une présidence collégiale composée de trois personnes. Le chef de l'Etat, Omar Al-Bechir, avait ainsi accepté de partager le pouvoir avec son ex-opposant le plus farouche, John Garang, promu premier vice-président, et avec celui qui avait été son interlocuteur lors des négociations de paix, Ali Osman Taha, deuxième vice-président. Chrétien, M. Garang pouvait même assurer l'intérim d'Omar Al-Bechir en son absence. Il pouvait également se présenter à la présidence puisque l'appartenance à la religion musulmane n'était plus exigée. L'ancien rebelle devenu vice-président du Sud-Soudan, région dotée d'une vaste autonomie politique et économique, avait aussi obtenu que Khartoum reverse la moitié des revenus des puits de pétrole concentrés au Sud.

Si le processus de paix se poursuit, une période intérimaire de six ans, devrait amener à un vote sur l'autonomie du Sud. La paix conclue avec la province tenue par John Garang n'a pas pour autant réglé la question des autres rébellions qui secouent le Soudan, le plus vaste pays d'Afrique. Celle ouverte récemment dans l'Est et surtout celle du Darfour, dans l'ouest de l'Etat, a déjà causé la mort de 180 000 personnes, entraîné le départ de 200 000 réfugiés vers le Tchad et obligé 2 millions d'autres à vivre dans des camps de déplacés.